Un nouveau pain de seigle tressé vient orner votre vitrine. Vous souhaiteriez lui donner un nom spécial pour le mettre en valeur. Toutefois, les appellations des pains obéissent à une réglementation, adoptée pour défendre la spécificité française. Il existe une série d’appellations qui, même si elles ne sont pas encore régulées, sont bien installées dans les pratiques. Ainsi, avant de vous lancer, veillez à bien avoir en tête toutes ces règles.
Le décret « pain » et la victoire de la spécificité française
Si vous préparez vous-même votre pain, en choisissant les matières premières, en assurant le pétrissage, la fermentation, la mise en forme et la cuisson, sans qu’à aucun moment vous utilisiez un produit congelé, vous bénéficiez depuis 1998 de l’appellation boulanger (article L121-80 du Code de la consommation). Cet article, longuement débattu au Sénat, complète l’arsenal législatif adopté en 1993 pour protéger la profession et les artisans. En effet, cette année-là, le décret dit « pain » clarifie les appellations afin de préserver la spécificité française. Le « pain maison » doit être entièrement fabriqué sur le lieu de vente directe au consommateur. Le pain que vous fabriquez ne peut prétendre aux appellations « pain de tradition française », « pain traditionnel français », « pain traditionnel de France » que s’il remplit certaines conditions : être un mélange de farine panifiable de blé, d’eau et de sel, et être fermenté à l’aide de levure panifiable ou de levain. Aucun additif n’est autorisé.
Le gouvernement de l’époque réagit, avec ce décret pain, à la menace que fait peser, sur le pain traditionnel français, une directive européenne, abrogée depuis 2010, autorisant les additifs dans les denrées alimentaires (Directive 89/107/CEE du Conseil du 21 décembre 1988). Depuis 1993, l’appellation pain de tradition est donc réservée, et assure au consommateur qu’il aura affaire à un pain élaboré dans sa boulangerie favorite, sans qu’aucun additif ou arôme artificiel n’ait été ajouté.
Les labels comme gage de qualité
Au-delà de ce décret, toujours en vigueur, où trouver les noms officiels des pains pour être sûr de ne pas se tromper ? Les labels aident à se repérer. Par exemple, la "farine de tradition Label Rouge", est soumise à un cahier des charges précis depuis 2001.
Et pour les autres pains, comment cela se passe-t-il ?
Des appellations d’usage
Pour les pains fabriqués avec d’autres farines que celles de blé, il est un peu plus compliqué de repérer les appellations établies. Il faut se référer aux appellations dites d’usage. Et en la matière, deux textes font référence en France : un recueil publié en 1977 par les éditions du CNRS* fait le point notamment sur l’ensemble de pains à base de blé ou d’autres céréales, comme les pains de seigle, de campagne ou aux céréales ; ce recueil est à la base d’un Code des usages, publié dans un rapport du Conseil économique et social en 1988**.
L’appellation « Pain Complet » :
L’appellation « pain complet » désigne un pain préparé à partir d’une farine de blé, représentative de la totalité du grain industriellement nettoyé, dite « complète » ou « intégrale ».
Les appellations « Pain de seigle » et « Pain au seigle » :
Le pain de seigle est préparé avec une farine de seigle qui peut être additionnée de farine de blé de panification sous réserve que la proportion de farine de blé reste inférieure à 35% du mélange des farines mises en œuvre.
Le pain au seigle est préparé avec un mélange blé-seigle dans lequel la proportion seigle/blé doit être supérieure à 10%
L’appellation « Pain de campagne » :
Le pain de campagne est un produit évoquant la rusticité des pains fabriqués avant l'introduction de la méthode directe. Sa fabrication implique l'utilisation d'une farine de panification ou d'une farine bise ou d'un mélange de ces farines avec addition ou non de farine de seigle. Le pétrissage est conduit de manière à éviter le blanchiment de la pâte. La fermentation est amorcée par un apport volontaire de levure de boulangerie associée à un levain ou levain de pâte; elle est conduite de façon à développer une saveur légèrement acidulée et à obtenir une plus longue conservation.
L’appellation « Pain Bis » :
Les pains bis sont préparés avec des farines de composition intermédiaire entre celle de la farine de panification et celle de la farine complète.
L’appellation « Pain à l’ancienne » :
La notion «à l'ancienne» est assimilable à l'expression «d'autrefois» ou encore «comme autrefois».
Ainsi, un pain pourra être commercialisé sous une dénomination comportant l'une de ces mentions lorsqu'il est, conformément aux usages loyaux et constants de la profession, élaboré uniquement à l'aide de levain, que sa pâte est soumise à un pétrissage lent et peu intense (de façon à en limiter l'oxydation) et qu'il est cuit au bois dans un four traditionnel en pierre. Par ailleurs, l'emploi d'une telle mention est incompatible avec l'ajout d'additifs, quels qu'ils soient, ainsi qu'avec l'emploi de procédés de production qui ne correspondent plus aux usages traditionnels répertoriés de fabrication du pain.
Bien évidemment, il ne devra pas être admis que les opérateurs puissent, pour essayer de s'affranchir des contraintes liées à l'emploi de ce type de mentions valorisantes, se retrancher derrière une mention telle que «saveur à l'ancienne» ou encore «saveur d'autrefois».
L'appellation « Pain cuit au feu de bois » :
Selon une jurisprudence constante, cette allégation ne peut être utilisée que pour un pain cuit dans un four à chauffage direct au bois : ce dernier brûle dans la chambre de cuisson puis les cendres et les braises sont retirées. Le pain est alors déposé sur la sole du four.
Le pain est donc cuit par la chaleur accumulée dans les parois du four.
Le four dit «à chauffage indirect» (foyer isolé du four de cuisson) ne peut se prévaloir d'une telle allégation.
Une jurisprudence récente de la cour de cassation a estimé que l'allégation «pain cuit dans un four chauffé au bois», utilisée dans le cas d'un four à chauffage indirect, constituait bien une publicité de nature à induire en erreur malgré son apparente légitimité (d'où son caractère insidieux qui n'a pas échappé aux juges).
Il est également précisé que le bois utilisé doit être apte au contact alimentaire (décret du12/02/73) et seul le bois «neuf» peut être utilisé. Les bois de démolition ou utilisés à des fins industrielles, peints ou non peints, etc. sont donc prohibés.
La spécificité du Bio :
L’appellation "pain issu de l'agriculture biologique" ou "pain BIO" dépend de la réglementation européenne en matière de production biologique. L’utilisation des additifs est plus restreinte pour les produits BIO.
Attention, un pain bio n’est pas synonyme de pain « tradition » si l’artisan boulanger introduit des additifs autorisés en bio, mais pas dans le cadre du décret de 1993.
Les mentions « Bio » ou « issus de l’agriculture biologique » ne peuvent être utilisées que par les boulangers qui ont été certifiés par un organisme certificateur. L’utilisation seule d’une farine « Bio » ne permet pas de communiquer sur le « Bio ».
Le saviez-vous ? Nous pouvons vous accompagner pour vous simplifier l’obtention de la certification bio. Découvez notre article dédié pour en savoir plus sur notre Service Bio : https://www.grandsmoulinsdeparis.com/service-bio.
Toutes ces appellations peuvent paraître restrictives. Gardez cependant à l’esprit qu’elles sont une garantie pour le consommateur et un gage de confiance.
* Recueil des usagers concernant les pains en France, CNRS, 1977
** Le pain et sa filière, conseil économique social et environnemental, 1988