Loin de l’imagerie traditionnelle véhiculée par le roman de Marcel Pagnol, le conjoint d’un boulanger a vu, ces dernières années, sa place revalorisée. Le droit du travail s’adapte et parvient à offrir une existence professionnelle à tous les conjoints qui, en boutique ou dans l’administratif, permettent aux artisans de faire fructifier leur entreprise. La nouvelle boulangère n’est décidément plus la femme du boulanger !
La boulangerie-pâtisserie, une entreprise qui se construit à deux
Les chiffres sont éloquents : la grande majorité des entreprises artisanales fonctionnent en couple (67 % en 2020). Seuls 27 % des boulangeries reposent sur un seul exploitant masculin et encore moins sur une seule femme (6 %).
Les conjoints sont longtemps restés dans l’ombre des boulangers alors que leur rôle est essentiel pour maintenir le négoce à flot. La gestion de la boutique n’est pas une mince affaire et demande des compétences aussi importantes que le savoir-faire boulanger pour faire fructifier les ventes. La vente et l’administration sont des professions à part entière, auxquelles il faut ajouter, à l’heure actuelle, les compétences en matière numérique pour faire entrer la boutique dans l’ère du digital. Leur statut a pourtant mis du temps à être reconnu.
La loi de 1982 pour revaloriser le statut des conjoints
1982 est une date importante dans l’arsenal législatif pour accorder un statut au conjoint d’un artisan ou commerçant, impliqué dans une entreprise familiale. Le rapport du Sénat, mené par le sénateur Bouvier, est sans appel : les conjoints, à cette époque, manquent toujours d’existence juridique et de droits sociaux. Le ministère de l’Économie de l’époque estime que « trois cent mille conjoints d’artisans et de commerçants travaillent dans l’entreprise familiale sans être rémunérés personnellement et sans disposer des droits sociaux et professionnels normalement liés à l’exercice d’une activité ». Un statut de conjoint collaborateur – qui permettait au conjoint de s’inscrire au registre du commerce et donc ouvrait ses droits à l’assurance santé et vieillesse des travailleurs non salariés – existait, mais les artisans y avaient peu recours.
C’est pourquoi la nouvelle loi de 1982 cherche à clarifier les statuts possibles et à inciter les conjoints à y recourir. La loi ajoute deux autres statuts à celui de conjoint-collaborateur, celui de conjoint-salarié et celui de conjoint-associé. Le conjoint-salarié sera payé au SMIC. Dans le cadre du statut de conjoint-collaborateur, les cotisations au régime de Sécurité sociale des non-salariés s’appliquent de manière plus avantageuse qu’auparavant et ouvrent l’accès à des droits propres. En outre, le conjoint-collaborateur pourra avoir une existence juridique avec l’adoption d’une « présomption de mandat de l’époux ». Enfin, le statut de conjoint-associé autorise la participation de deux époux à une société en apportant que des biens communs.
La place des conjoints aujourd’hui
Les avancées sociales et juridiques de la loi de 1982 sont saluées. Pourtant, le chemin est encore long. Si les trois statuts sont inchangés (Code du commerce), ce n’est qu’en 2005 que le choix d’un statut pour le conjoint devient obligatoire. Le chef d’entreprise déclare l’inscription au Centre de formalité des entreprises. Si le chef d’entreprise n’a pas rempli cette formalité, le conjoint est considéré à défaut comme conjoint-salarié, et son employeur est réputé l’avoir déclaré dans ce dernier statut. A minima, un conjoint bénéficiera donc des droits et obligations d’un salarié d’une entreprise régie par un contrat collectif. Il n’a toutefois pas de mandat pour représenter le chef d’entreprise, comme c’est le cas dans les deux autres statuts.
Depuis 2008, ces statuts s’appliquent aussi aux personnes liées par un PACS (L121-8). Les concubins sont exclus du dispositif, à l’exception du statut de conjoint-salarié.
Les conjoints sont désormais mieux protégés et ont des recours pour régler les litiges qui se présentent. Une reconnaissance juste et méritée des conjoints, qui bien souvent ne ménagent pas leur soutien.